Je participais vendredi dernier à l’assemblée générale de la FDSEA des Pyrénées-Atlantiques et plus précisément à la table ronde sur les lois EGALIM. Je remercie le Président et le Conseil d’Administration de la fédération pour leur invitation. Avec Bruno Dufayet (Président de la Fédération Nationale Bovine), Mathias Levoir (Directeur des Opérations, Bonduelle), Michel Biéro (Directeur exécutif achats et marketing, Lidl France) et Marc Dupouy (éleveur) nous avons longuement échangé sur les effets de cette loi sur la juste rémunération du travail des agriculteurs.
J’étais très heureuse de participer à cette table ronde, qui s’intéresse à des enjeux essentiels. Tout au long de mon mandat, j’ai travaillé avec ces différents acteurs en parfaite intelligence. Face à des situations parfois difficiles, nous nous sommes toujours parlé et nous avons toujours cherché à faire avancer les sujets agricoles, sans faire de politique.
Les échanges de la table rond portaient sur les lois EGALIM et je suis intervenue vous préciser mon travail parlementaire autour de ces textes.
EGALIM répond à un contexte agricole dramatique : situation financière catastrophique, très nombreuses exploitations dans lesquelles les agriculteurs ne peuvent plus vivre du fruit de leur travail, fortes revendications pour que l’État réagisse. En 2016, 50% des agriculteurs auraient touché moins de 350 euros par mois.
Nous devions mettre un stop à cette dégradation des conditions de ressources et donc de vie. Cela entraîne toute une série de conséquences catastrophiques : la baisse du nombre d’exploitations, la baisse du nombre de vocations vers les métiers de l’agriculture, des situations désespérées, des suicides.
En 2017, le Premier ministre a annoncé la tenue d’états généraux de l’alimentation. Ceux-ci débutent le 20 juillet 2017, pour une durée de cinq mois, avec tous les acteurs de la chaîne alimentaire.
Quatre objectifs sont ressortis des États généraux de l’Alimentation :
- Relancer la création de valeur et en assurer l’équitable répartition ;
- Permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail par le paiement des prix justes ;
- Accompagner la transformation des modèles de production afin de répondre davantage aux attentes et aux besoins de consommateurs ;
- Promouvoir les choix de consommation privilégiant une alimentation saine, sûre et durable.
Cette notion de répartition de la valeur ajoutée a été centrale tout au long des discussions.
Le constat est simple, entre le prix auquel l’agriculteur vend sa production et le prix final de vente au consommateur il y a une différence considérable. Cette valeur ajoutée ne revient pas, ou que très faiblement, dans les poches de l’agriculteur.
Ainsi, sur 100 euros de dépenses alimentaires, il n’y a que 6 euros de valeur ajoutée qui revient à l’agriculteur.
On a constaté une baisse des prix payés aux agriculteurs de 50% en 50 ans, alors que les prix payés par les consommateurs étaient stables.
Les états généraux ont rendu leurs conclusions et le projet de loi a été déposé en février 2018. La loi a été votée en novembre 2018.
Ce texte, EGALIM 1, contient de nombreuses mesures pour rééquilibre les relations entre les différents acteurs de la chaîne alimentaire :
- inversion de l’initiative de la fixation du prix de vente au profit des producteurs. A partir d’EGALIM1, c’est l’agriculteur qui va faire 1 proposition tarifaire à l’acheteur et non l’inverse.
- l’encadrement des négociations tarifaires annuelles entre les distributeurs et les fournisseurs. Dans les contrats, les prix devront tenir compte des coûts de production, et les négociations seront rouvertes en cas d’évolution des coûts de production.
- Le seuil de revente à perte est relevé de 10% ce qui oblige la grande distribution à revendre le produit alimentaire au minimum du prix qu’elle l’a acheté, majoré de 10%.
- La limitation des promotions en grande surface qui limite à 1/3 du prix de référence d’un produit et à 25% de son volume.
Cette loi est publiée au journal officiel en novembre 2018. Un an après EGALIM 1, nous nous sommes rapidement rendu compte que les mesures répondant à l’objectif majeur qui était d’inverser l’initiative de la constitution des prix, de redonner la main aux agriculteurs pour que les prix de vente couvrent leurs coût de production, ne produisaient pas les effets escomptés.
La contractualisation selon EGALIM 1 ne fonctionnait pas : il fallait la rendre obligatoire. C’est comme ça que le projet de loi EGALIM 2 est arrivé, en janvier 2021.
Cette loi dit plusieurs choses autour de la contractualisation :
- d’abord, elle rend obligatoire la conclusions de contrats écrits pluriannuels sur 3 ans minimum lors de la vente de produits agricoles entre un producteur et son premier acheteur. Ces contrats ont une clause de révision automatique des prix pour que les agriculteurs puissent récupérer d’éventuelles hausses des prix des coûts de production quand il y a augmentation des tarifs de transport énergie et emballages.
- Le coût des matières premières agricoles est rendu non négociable : lors des discussions entre industriels et distributeurs, la part du prix correspondant au coût des matières premières agricoles n’est pas négociable
- La loi crée un nouveau comité des règlements des différents commerciaux agricoles afin de traiter les litiges entourant les contrats
- La création d’un rémunéra score expérimentation destinée à apporter au consommateur une information relative aux conditions de rémunération des producteurs
- Des modifications sur l’étiquetage des produits alimentaires : obligation d’indication du pays d’origine des produits et interdiction de faire figurer un drapeau français ou une carte de France sur l’emballage d’un produit lorsque les ingrédients primaires ne sont pas d’origine française.
Les députés ont interdit les clauses prévoyant une modification automatique des prix au regard des tarifs pratiqués par la concurrence, et ont voté l’expérimentation de la clause tunnel des prix avec un maximum et un minimum entre lesquels le prix convenu pourra varier.
La loi EGALIM 2 a été publié au Journal Officiel, le 19 octobre 2021.
Il faudra encore du temps pour conclure des effets positifs ou non sur la rémunération et le partage de cette valeur ajoutée avec les agriculteurs de façon plus importante, mais le texte est bel et bien là. Notre volonté politique et la détermination du ministre sont totales pour parvenir à ce nouvel équilibre dans les relations commerciales sur l’alimentaire et redonner espoir aux agriculteurs.